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L'interview du mois : Sylvaine Cussot (Team Asics Trail), "Road vs. Trail"

 
Ce mois-ci, j'ai eu l'immense privilège d'interviewer Sylvaine Cussot (Team Asics Trail) sur le thème "Road vs. Trail" (route/sentier) ! Adepte de la route, des terrains boueux en cross et plus récemment des sentiers (superbe 7ème place décrochée au Championnat de France Sénior à Gap le mois dernier), elle nous parle de ces deux disciplines, avantages, inconvénients, passage de l'un à l'autre, et de sa propre expérience.
 
Alors à votre avis, elle est plutôt route ou plutôt trail ?


Le trail, bien qu'actuellement à la mode, n'est apparut que très récemment dans la communauté des sportifs. A l'époque où mon père courait en haut niveau (ce n'est pourtant pas si loin), il s'entrainait sur les sentiers, en forêt, en montagne, il faisait aussi des entraînements qui s'approchent de se qu'on nomme maintenant des kilomètres verticaux. Mais à son époque, ce qu'il faisait n'avait pas de nom, ils étaient peu à s'entraîner en dehors du bitume. A son époque, ce sont les courses sur route qui avaient "la cote".
 
Maintenant, les "routards", jeunes ou moins jeunes, sont de plus en plus nombreux à rejoindre les sentiers pour courir en nature. Cette reconversion route-trail est le thème du jour, et c'est une jeune mais très talentueuse traileuse qui a bien voulu répondre à mes questions : Sylvaine Cussot, ou Sisi pour les intimes (Vous pouvez la retrouver sur Urun où elle est rédactrice en chef, elle fait également partie du Team Asics Trail). La plupart d'entre vous la connaisse, Sisi a fait beaucoup de courses sur route et de cross avant d'atterrir dans le monde du trail il y a tout juste deux ans. C'est donc tout naturellement que je me suis tournée vers elle pour cette interview !


1. Sisi, peux-tu nous décrire tes débuts en course à pied ?
"J'ai commencé à courir jeune : mes parents nous emmenaient, ma sœur, mon frère et moi, dans les bois de l'Epau au Mans et nous faisions un petit tour de 3km en famille le dimanche matin. Je me souviens, je détestais ça :-) 
Puis à 10 ans j'ai pris ma première licence en club d'athlétisme (Union Sportive du Mans). Là c'était chouette, on s'était fait pleins de nouvelles copines qu'on retrouvait 2 ou 3 fois par semaine au stade ! ;-) le virus a pris à ce moment là mais ma pratique est restée du loisir pendant longtemps, sans objectif de performance ni de réelle recherche de progression. J'ai d'ailleurs stoppé quand je suis entrée en classe préparatoire pour me consacrer à mes études ... Et je n'ai vraiment repris qu'en 2006, année où j'ai reçu mon diplôme et où j'ai couru mon premier marathon ! :-)"
 
2. Pourquoi as-tu d'abord choisi la course sur route et le cross ? Qu'est ce qui te plait le plus ?
"Personnellement ça a été cross avant course sur route. Tout simplement parce que c'était dans la culture de l'athlétisme et quand j'ai débuté ce sport à 10 ans je ne me posais pas la question. Tu suis ce que ton entraîneur te dit de faire et jouer la compétition avec les copines sur les cross c'était amusant ! :-) 
L'ambiance des cross me plait toujours beaucoup aujourd'hui. C'est une discipline difficile, exigeante, mais qui apporte beaucoup mentalement et physiquement ... Et puis sur les cross tu joues aussi beaucoup le collectif puisque tu cours pour toi mais aussi pour ton équipe. Le système des qualifs sur les championnats rajoute de l'excitation et du suspense à l'épreuve puisqu'à chaque course tu espères aller toujours plus loin ...! Et parfois c'est aussi grâce aux copines que tu as la chance d'aller plus loin !! ;-) les parcours sont en général très variés avec des relances, des passages boueux, des obstacles au sol ... Pas le temps de s'ennuyer et puis de toute façon ça va tellement vite que si tu t'ennuies c'est mauvais signe ...!! ;-) Bref, quand l'emploi du temps le permet, j'adore rechausser les pointes pour toutes ces raisons ! :-)
La venue aux courses sur route s'est faite naturellement quand j'ai repris sérieusement en 2006 après avoir terminé mes études. J'ai eu besoin de me fixer des objectifs pour retrouver le goût de la compétition : j'ai donc préparé mon premier marathon ! C'était difficile mais j'ai aimé retrouver ces sensations de (bonne) souffrance et de dépassement de soi ...Ça m'a motivé à reprendre une licence en club en 2007 et à raccrocher des dossards de temps en temps pour me lancer des défis avec les copains du CA Balma. Même si ma motivation première n'était pas spécialement la recherche de résultat mais l'envie de me faire plaisir. Et puis j'avais retrouvé une grande famille et ces courses étaient l'occasion de vivre ensemble de belles émotions ! :-)"


3. Depuis quand entends tu parler de "trail" ? As-tu été attirée par ce style différent de course à pied ?
"Quand j'ai repris une licence en 2007 au Ca Balma, certains en parlaient déjà ... Mais je ne m'y intéressais pas du tout, j'étais dans mon petit train-train sur la route à découvrir les courses du coin avec les copains du club, et ça m'allait bien, j'avais encore beaucoup de choses à découvrir dans ce domaine ! 
Un jour (2009) on m'a parlé d'une course "qui sortait de l'ordinaire" dans le pays Basque avec une super ambiance : le trail d'Espelette. Pas de bol à cette période là j'étais en béquilles avec une fracture du talon ... J'y suis allée quand même pour accompagner le groupe du club et faire la fête avec eux ! :-) Ça m'a permis de participer à l'évènement et d'être plongée dans cet univers ... C'était très sympa mais ça ne m'a pas pour autant donné envie de m'y essayer !"
 
4. Peux-tu nous raconter tes débuts dans le monde du trail ?
"J'ai rencontré mon amoureux (Manu) en 2010, lui ne faisait que du trail et moi des courses sur route. On était déjà séparés par la distance en semaine (à l’époque j'habitais Toulouse et lui Uzès) alors faire nos compétitions chacun de notre côté le WE était inconcevable pour nous ...
On s'accompagnait mutuellement puis un jour j'ai eu envie de m'essayer à cette nouvelle discipline. Manu ne m'a pas poussé du tout, la motivation (née aussi d'une certaine curiosité) est venue de moi. Je me suis dit : "tiens, ça peut changer un peu des autres courses que j'ai l'habitude de faire !" Ça a plutôt bien marché quand je me suis lancée, mes résultats n'étaient pas ridicules alors que je ne m'entrainais pas du tout pour ça. Manu a été surpris et m'a pris en main : "je suis sûr que tu as du potentiel, tu devrais t'y mettre sérieusement !" Il a réussi à me motiver et au fil du temps j'ai pris goût à la discipline et à l'envie d'essayer de progresser."
 
5. Comment s'est passé ton tout premier trail ?
"J'ai pris un dossard sur un coup de tête ce jour là. J'accompagnais mon homme sur le trail de Besançon en mai 2011. La veille au retrait des dossards un gars cherchait à revendre son dossard sur le 28km. J'avais envie d'essayer, je me suis lancée ! Manu n'arrêtait pas de m'en dissuader en disant que ça allait être trop dur pour moi, que j'allais me dégoûter ... "Au pire je marcherais" je lui avais répondu ! C'était l'inconnu complet et j'ai pris le départ sans avoir vraiment conscience de ce qui m'attendait ... Le côté positif c'est qu'avec cette innocence j'étais détendue, aucun stress ! Bon j'ai souffert certes, mais j'ai aussi pris du plaisir dans cette nouvelle souffrance et la bonne surprise à l'arrivée c'est que je suis montée sur le podium :-) J'ai terminé 6ème féminine. J'étais fière d'avoir épaté mon homme ! ;-)"


6. Comment expliques-tu ce phénomène de mode, pourquoi le trail attire tant de monde maintenant ? Un besoin de retour à la nature ?
"Je ne sais pas si on peut parler de "phénomène de mode" ... C'est comme tout, quand c'est nouveau, ça attire la curiosité, on a envie d'essayer. Les coureurs ne boudent pas la route, mais ils ont l'opportunité de sortir un peu de la "routine" en variant avec des courses nature ou trail, c'est un peu moyen de trouver une nouvelle source de motivation non ? :-)"
 
7. Qu'est ce qui te plait dans le trail ? Quels sont les avantages et inconvénients de chaque ?
"Ce qui me plaît, c'est de courir ! J'aime ça et mon objectif reste le même en trail que sur route : partir d'un point A pour rejoindre un point B le plus vite possible ! Et ce qui me plait dans tout cela, ce sont les sensations que tu peux éprouver pendant ce chemin de A à B ... Des émotions à la fois très personnelles mais partagées aussi, avec ceux qui sont là pour te soutenir sur le côté et avec ceux qui sont dans la course avec toi. Des sensations fortes mais très différentes et changeantes très rapidement : du bien être à la souffrance, du plaisir à la douleur, de l'espoir au désespoir, de l'excitation à l'ennui, ... Bref, quelque soit la durée de cet effort, il reste riche et c'est le souvenir de cette richesse qui nous donne l'envie de recommencer la fois d'après ! :-)
Le trail a cet avantage d'être, à mon goût, plus varié et plus ludique que la route. L'acheminement de A vers B devient alors encore plus agréable et procure encore plus de plaisir ! ;-) Les parcours sont originaux et remplis de surprises : passages techniques, monotraces, sentiers larges et roulants, pentes raides, descentes glissantes ... bref, courir devient un jeu avec des obstacles à franchir, ce qui rend l'exercice aussi parfois un peu plus compliqué ! Mais je ne suis pas une "amoureuse de la nature" comme certains traileurs peuvent l'être ... D'ailleurs la haute montagne me fait même plutôt peur !"
8. Est-ce possible de combiner les deux ? Y a t-il même peut-être un intérêt ?
"Bien entendu ! Tout est question d'envie, de motivation et peut être aussi d'organisation :-) Et tout dépend si l'on se place dans une problématique de recherche de la performance ou non. Participer à un 10km route peut être un exercice intéressant pour retrouver un peu de rythme au milieu d'une préparation axée sur du foncier et de l'endurance. Mais ne vous attendez pas forcément à faire un chrono si vous intégrez ce 10km alors que vous préparez un trail long (mais tout est possible hein ! ;-)) ... Après ce n'est que mon point de vue personnel basé sur ma courte expérience, peut être que les spécialistes formés sur le sujet pourront développer davantage et apporter quelques arguments théoriques convaincants ..."
9. Après avoir fait du trail, peut-on revenir à la course sur route exclusivement ?
"Quand on veut, on peut ! :-) Si c'est un souhait de la personne concernée, je ne vois pas ce qui pourrait l'empêcher de le faire ..."
10. Et pour finir, si tu ne devais en choisir qu'un... la route ou le trail ??? 
"Sans hésiter, le trail ! :-)"
 
 

Merci Sylvaine pour ces réponses, et surtout bonne chance pour la SaintéLyon où l'on te suivra avec beaucoup d'attention :-)